Filles d’à côté

Girls

Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Dehors, il est tard, le temps est lourd. Lourd, lourd, lourd… Mon coeur pèse pas mal aussi. Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Je suis assise sur le balcon, je regarde la ville se lover dans une de ses premières soirées d’été. En fait, c’est celles que je préfère tu sais les nuits à la folie douce, aux peaux salées, aux rires dorés et aux verres trinqués. Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Regarde… Ces filles en bas, les trois juste en bas Rue du Maréchal là. Elles sont drôles tu trouves pas ? Moi elles m’amusent à rire sourire parler marcher creuser de leurs pas les derniers rayons de soleil pour en faire leur nuit . Chacune raconte son histoire, je crois qu’elles en ont une belle à raconter ensemble. Le rouge à lèvres, les jambes au vent, le top qu’elle lui a prêté, le texto qu’elle envoie, le rire qu’elle a déployé, les cheveux attachés, le parfum qu’elles lui ont offert, la chanson sur laquelle elle veut danser, les confidences qu’elles échangeront, le porte clé accroché à son trousseau, la coque de téléphone qu’elle vient d’acheter et ses chaussures neuves qui la font grimacer. Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Tu vois les deux grandes blondes ? Tu peux pas les louper, elles marchent en parodiant une chanson et entraînent la troisième fille, la plus petite. Elles rient encore, de rires qui ne trompent personne. Attends, tu entends ce qu’elles chantent ? Mais si… C’est un truc du genre « I’m outta love, set me free… nanana nanananaaaa » L’anglais est limité, le rythme saccadé et les voix un peu trop élevées. C’est assez perturbant ce mélange ne séduit pas mes oreilles mais mes lèvres sont là, étirés et fières jusqu’aux dernières dents. Tu me regardes. Non tu n’as pas l’air de comprendre. Mon sourire est tellement fier qu’il se montre plus gourmand. Je ris je ris fort. Je crois que c’est cette chanson… Cette chanson c’est elles tu trouves pas ? Elles semblent régner sur cette rue qu’elles traversent où chaque parole s’installe derrière elles. Pas à pas comme un écho. Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Dans sa frénésie, la blonde aux converses heurte un passant, juste en bas de mon balcon. « Pardon, je suis désolée » quatre mots qui suffisent à oublier ce interlude, et qui me fait oublier le temps tout court. Leur chemin continue, elles sont au coin de l’autre rue maintenant et doucement elles disparaissent. Elles ne sont plus qu’écho, mirage. Je regarde la fumée de ma cigarette s’échapper doucement. Je ne la quitte pas des yeux. Je joue de ses courbes avec ma bouche. Mon regard reste là, au coin de cette rue. Sur les pavés, leur chant résonne encore. Reviens, s’il te plait. Chante encore.

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